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maman jane
10 janvier 2012

LE CYCLONE

cyclone1

J’ai été la marraine… Mais à vrai dire, je n’ai pas eu le temps de savourer vraiment le bonheur de cette journée de baptême. Le cyclone est venu tout de suite après. Le cyclone est passé et nous avons tout perdu. Tout, c'est-à-dire pas grand-chose, mais tout de même… D’abord la maison de vacances en torchis s’est effondrée comme un château de cartes. Même que si nous n’étions pas allés nous réfugier dans la cuisine, nous y serions tous restés sous les poutres et les tôles du toit. Mais la cuisine non plus n’a pas tenu. Les murs sont partis par pans entiers, abandonnant la porte dans les mains de Papa. Marie-la-Blanche a eu beau égrener le rosaire, rien n’y a fait : La cuisine maintenant menaçait de s’effondrer à son tour. Je criais et pleurais tellement que Papa a décidé soudain de m’emmener la première chez Maman Jane, dans la maison du haut. Il m’a soulevée et nous avons entamé ensemble la montée de l’escalier, ce fameux escalier de bambous qui glissait tant qu’on aurait dit qu’il s’évertuait à nous renvoyer vers le bas. Les éclairs illuminaient le paysage comme en plein jour. Les bourrasques nous pliaient au sol, la pluie tombait si fort qu’elle nous aveuglait. Les feuilles de tôles arrachées aux toits d’alentour nous arrivaient en sifflant au dessus de la tête.

Nous sommes arrivés à la porte, je ne sais pas comment, et nous avons tapé et crié, tapé et crié encore, mais il y avait tant de bruits alentour, de sifflements, de craquements, que c’était peine perdue. Alors Papa a saisi un gros galet qui traînait par terre dans les débris de branches et de fleurs et avec ça, il a frappé contre la porte. Longtemps, très longtemps, combien de temps je ne pourrais pas dire…Enfin la porte s’est ouverte, maintenue à grand peine par Marraine et je suis tombée en criant dans ses bras. Pas le temps d’expliquer, Papa était déjà reparti.

 Il est revenu par trois fois, avec Criquette, puis avec Mado et enfin encore après, portant un paquet de couvertures mouillées qu’il a lancé dans les bras de Marraine, avant de se précipiter à nouveau dehors. Emilien est devenu fou, a dit Marraine, en déroulant les couvertures, et nous avons vu apparaitre le bébé, hurlant tout ce qu’il pouvait comme à son habitude.

 Alors est arrivée Marie-la-Blanche, toute trempée, la robe collée sur elle, hurlant : Madame ! Madame la perd’ ! Papa est resté longtemps dehors…Impossible à nous de comprendre ce qui était arrivé à Maman. Marraine nous avait séchées, réchauffées et habillées de linges secs. Le bébé avait été enveloppé dans des serviettes et se faisait bercer par Ezite, Chut…chut !

 Papa est revenu enfin portant Maman toute trempée, les yeux fermés et sans mouvements. Qu’est-ce qu’elle a Maman ? Elle est évanouie, dit Marraine, vite allons dans la chambre du fond. Alors est arrivée Maman Jane, qui était malade et alitée. Comprenant enfin le drame, elle arrivait, sa bougie à la main, dans son déshabillé blanc, répétant : Mon Dieu ! Mais qu’est-ce qui se passe ?

Raconter le cyclone avec des mots vrais que tout le monde puisse comprendre, c’est vraiment impossible. Je peux dire la beauté des fleurs et la saveur des gâteaux, mais là pour le cyclone, je ne sais pas trouver les mots. Maman et le petit frère ont failli mourir, Maman parce qu’elle avait été poussée par le vent en contre bas de l’allée et précipitée dans le bac qui, servait à recueillir les eaux de pluie. Le petit frère parce que Maman ne pouvait plus lui donner à téter.

 Dès que la route a pu être dégagée, l’ambulance est remontée chercher Maman et le bébé. Tous deux sont restés longtemps en clinique et Papa a dit : C’est le docteur Ricquebourg qui les a sauvés. Je lui en serai éternellement reconnaissant.

Après le cyclone, la pluie est tombée pendant une semaine. Pendant une semaine, nous sommes restés enfermés dans la maison de Maman Jane. La maison était pleine de gens dans tous les coins, tous ceux des alentours qui avaient eux aussi perdu leur maison. Nous étions enveloppés dans les habits de Marraine ou de  Maman Jane et nous allions sans but d’un coin à l’autre. Ezite essayait de faire durer le plus possible ses réserves de riz et de haricots. Tous les repas étaient semblables : Riz et grains secs ! Mado pleurait : Veux pu zaricot ! Et Criquette occupait son temps à chanter :

Comme étrennes on m’a donné

Tra la la la lère

Comme étrennes on m’a donné

Un pantin articulé…

Moi, j’étais muette, terrorisée par la pluie, tétanisée au moindre souffle de vent qui faisait encore trembler les tôles. Quand la pluie a cessé un peu, nous sommes descendus  voir les décombres et y ramasser ce qu’on pouvait récupérer. Nous avons ramené des instruments de cuisine, du linge mouillé et boueux, des meubles disloqués et même des billets de banque, restes de ce qui faisait toutes les économies de Maman et Papa.

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