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maman jane
10 janvier 2012

LA BOUTIQUE CHINOIS

 boutique chinois1

A chaque coin de rue, ou à peu près, il y a une boutique-chinois. C’est l’élément indispensable de la vie. La boutique offre son comptoir pour le coup d’sec ; ses rayonnages pour les conserves, les allumettes, les bouteilles, les savonnettes ; ses vitrines pour les bonbons, les pains, le fromage tête de mort, le saucisson et le beurre en boîte vendu au détail ; ses balles de riz, de grains et de sucre. Tout ce qu’il faut pour approvisionner la famille au quotidien. Les enfants y sont admis pourvu qu’ils aient les sous au creux de la  main ou que leurs parents bénéficient d’un crédit sur le mois.

Nous avons un carnet chez le chinois et en fin de mois, Papa passe régler le compte. A partir de cinq heures du soir, la boutique grouille de monde et nous attire irrésistiblement. Le rhum échauffe les esprits et fait monter le ton des conversations. Marraine ne veut pas que j’aille à la boutique toute seule. Elle dit que ce n’est pas un endroit pour une petite fille. Mais souvent après la classe, Criquette et moi, nous bravons les interdits pour un petit pâté, un chemin de fer, ou mieux encore un sorbet. Madame Chane-lock est heureuse de nous voir arriver. Cossa i veut marmaille ? Et le carré de glace à la grenadine  est tendu vers nos petites mains dans un morceau de papier journal.

Parfois, Madoré est de passage et l’ambiance est à son comble. Il crache deux coups par terre et fait plein de mouvements saccadés. On appelle ça des tics. Je suis pas très rassurée mais Criquette est aux anges. On le regarde en coin tout en suçant notre carré de glace avant qu’il soit complètement fondu. Quelqu’un dit : Chante in chanson Madoré ! Et Criquette ajoute bien fort : Allez Madoré ! Madame Chane-lock pose un petit verre de plus sur le comptoir et le remplit à ras bord. Et Madoré accorde son instrument aux sons métalliques et se met à chanter. «  ABCD v’là mi conné mon alphabet… ». J’aime bien, mais on peut pas rester trop longtemps. S’agirait pas de se faire attraper là, au milieu des buveurs de rhum.

Quand on a pris un sorbet, souvent on attrape mal au ventre. Maman se fâche, elle dit que c’est fait avec de l’eau sale. En fait, ce n’est ni plus ni moins que du sirop de grenadine mis à glacer dans les casiers à glace du frigidaire. Mais pour nous qui n’avons pas de frigidaire, c’est un vrai délice…

Maman  Jane n’accepte pas d’acheter à crédit. Elle met à la disposition d’Ezite une boîte en fer blanc dans laquelle se trouve une somme d’argent qui doit durer la semaine. Ezite puise dans la boîte avec précautions pour aller à la boutique ou au Petit Marché. Elle compte les sous, le front froncé, l’air grave, avant de prélever la somme nécessaire aux achats quotidiens. Maman dit que Maman Jane est avare et qu’elle pourrait donner beaucoup plus. Pauvre Elise, elle dit, elle fait des miracles avec une misère…

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