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maman jane
10 janvier 2012

LA RUE SAINTE-MARIE

rue ste marie1 

La rue Ste Marie, c’est un peu ma rue. C’est là que se trouve la maison de Maman Jane. Nous, nous habitons Rue Jules Auber et c’est juste à côté. Notre école aussi est rue Jules Auber, c’est l’école Joinville. Dans deux ans, j’irai au collège à « Juliette Dodu ». Le collège fait l’angle des rues Ste Marie et Juliette Dodu. Tout ça, c’est le même quartier, c’est notre quartier. Maman Jane a été directrice du collège et c’est là que Maman travaille aussi. Elle est surveillante d’études. On dit qu’elle est sévère. Elle a une règle qu’elle tape sur la table pour faire taire les bavardages.

Criquette et moi, nous connaissons bien toutes les maisons du quartier et ceux qui les habitent nous sont familiers. Nous devons les saluer quand nouds les croisons.

Juste en face de chez Maman Jane, c’est la maison des Lécolier, une drôle de maison en béton, arrondie à l’avant. De l’étage, je regarde souvent chez eux, bien cachée derrière les persiennes closes. Le père Lécolier ne travaille pas, il conduit la voiture et met de longues minutes à la faire entrer dans le garage, avant-arrière, avant-arrière, ça n’en finit pas. Monsieur Lécolier a un surnom, on l’appelle « Chauffe-galet ». Ca me semble peu glorieux. Sa femme est institutrice et on dit « C’est elle qui fait bouillir la marmite », on dit ça avec une pointe de mépris dans la voix. Ils ont des enfants, plusieurs même, un garçon et des filles qui sont pas mes copines.

A côté des Lécolier, c’est une toute petite maison qui donne directement sur le trottoir. Pas de jardin, juste la place de quelques plantes vertes devant la porte et les fenêtres. Toute une famille vit dans cette petite maison, le père, la mère, la tante et les enfants : C’est la famille Lebon. Je me demande comment ils font pour tenir tous là-dedans…

Plus loin, la maison de Madame Blot fait le coin des rues Jules Auber et Ste Marie. Madame Blot est une vieille dame avec un chignon gris. Elle est veuve, sans enfants, mais elle a un neveu qui est dans la magistrature. Elle a les mains qui tremblent tout le temps, c’est la maladie de Parkinson. Quand elle va acheter ses œufs à la boutique d’en face, la femme chinoise fait plein de gestes pour parer à une chute éventuelle de l’œuf qu’elle tient et qu’elle mire, pour voir s’il est bien frais. Quelle idiote, cette chinoise ! Depuis le temps, elle devrait savoir que Madame Blot ne laisse jamais rien tomber. Mais, c’est plus fort qu’elle, elle a peur pour ses œufs…

Madame Blot loue des chambres aux élèves du collège Juliette Dodu dont les parents n’habitent pas à St Denis. On les appelle des pensionnaires. Les filles s’agglutinent sur la terrasse ou à la fenêtre des chambres et ça rigole tant que ça peut.

 A l’autre bout de la rue, c’est la maison de Mademoiselle Beauvoir, une drôle de fille qui est toujours vêtue de mauve ou de violet. Je l’appelle « la violette », mais elle n’a rien d’une fleur. Elle aime les chats, ça se voit aux poils qui s’accrochent à son pull. Marraine dit qu’elle fait un peu négligé…Elle parle très vite avec une voix qui monte dans les aigus et l’instant d’après redescend dans les graves. Elle dit des  « Ma chère » par ci et des « Ma chère » par là. Quand nous la rencontrons, Marraine et moi, ça n’en finit pas, et moi, elle m’appelle « Ma cocotte » très fort dans la rue et j’aime pas ça du tout

Le plus étrange souvenir que j’ai de Mademoiselle Beauvoir, c’est quand elle a accompagné Maman Jane au bal de la Préfecture. Elle était très en beauté dans une longue robe mauve, avec des escarpins dorés et Maman Jane avait dit ensuite qu’elle aurait mérité de faire une bonne rencontre ! La voiture de la Préfecture est venue les chercher, un véritable événement et Maman Jane avait dit à Marraine : Louise, pourquoi ne viens-tu pas ? Ta place est à côté de moi.

La maison qui fait l’angle de la rue Ste Marie et de la rue Jules Olivier, c’est celle de Monsieur Jacob qui vit avec sa sœur infirme. Nous allons souvent en visite chez eux, mais c’est  surtout pour tenir compagnie à Mademoiselle Jacob, qui s’appelle Berthe. Nous disons Jacob pour faire plus court, mais c’est Jacob de Cordemoy, un nom à rallonge comme dit Maman. Pauvre Mademoiselle Jacob, elle aurait sans doute aimé troquer son nom à rallonge contre une bonne paire de jambes. Elle se déplace avec deux cannes et son corps qui est tout plat et raide se balance entre ces deux bâtons.  Quand elle se lève de son fauteuil, c’est pour aller chercher un livre ou un papier qu’elle veut montrer à Marraine. Elle parle avec une toute petite voix et ne rit jamais.

A côté de la maison de Maman Jane sur la droite, se trouve la maison des Chassagne. Maman Jane dit : Ce sont vraiment de bons voisins. Monsieur Chassagne est grand et maigre et boite un peu. Il me fait penser à un chien efflanqué qu’on aurait battu. Madame Chassagne est une forte femme, plantureuse, c’est comme ça qu’on dit. Son énorme poitrine semble la tirer en avant. Pour rétablir l’équilibre, elle va la tête en arrière, le menton pointé vers l’avant, et elle sautille comme un gros moineau. Elle est prof d’Anglais chez les filles à Juliette Dodu. Elle s’appelle Mause, jamais entendu un nom pareil, et tiens-toi bien, sa vieille tante qui vit avec elle s’appelle Miza. Mause et Miza, ça ne s’invente pas… Faut les voir aller à la messe, c’est le fou rire assuré !

Sur la gauche, habitent les Demoiselles Taillardat dans une vieille bicoque qui tient debout on ne sait comment. Combien sont-elles, deux ou trois, je n’en sais rien. Le jardin est un vrai fouillis de plantes et d’arbres de toutes sortes qui poussent dans tous les sens. Là dedans je n’ai jamais mis le nez, mais je monte parfois sur le mur mitoyen pout jeter un œil. Il y a un pauvre chien attaché à une chaîne qui tire sur sa longe à longueur de journée et de nuit, en aboyant comme un fou. Maman Jane en est agacée et dit souvent qu’elle va porter plainte. Elle a déjà fait une démarche de voisinage qui n’a rien donné.

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